C’est avec un grand plaisir que je participe aujourd’hui à la deuxième partie de la contribution saint-gilloise aux Etats généraux de la Famille.
Anne Vanesse rebondit sur ce débat en démontrant combien il importe de mêler tous les niveaux de pouvoirs pour contribuer à enrichir nos réflexions, pour confronter au mieux les savoir-faire en matière de préventions et de solutions de traitement, tant pour les victimes que pour les agresseurs. Il est donc nécessaire de concilier les talents des spécialistes afin que le travail de réflexion puisse s’alimenter de manière interdisciplinaire : c’est bien aussi l’objet de cette journée.
Les combats que nous menons et les actions quotidiennes que nous finançons à la Commission communautaire française, nous rappellent qu’il importe de remettre au cœur de nos préoccupations collectives, le véritable enjeu de rapports sociaux égaux dans et à l’extérieur des familles. Il importe ainsi que tout citoyen, quelle que soit son origine sociale, culturelle, religieuse, puisse se libérer des contraintes, des oppressions et des drames que suscitent les violences intrafamiliales.
C’est bien le rôle de l’Etat et des pouvoirs publics que de lutter contre les injustices sociales et les inégalités des populations, il est aussi de garantir à toutes et tous une vie émancipée et pleine d’épanouissement.
A ce titre, comme responsable politique, nous sommes forcément impliqués sur différents champs d’intervention.
En matière de violences intrafamiliales, nous avons doté les services d’aide aux victimes de moyens nouveaux, leur permettant de stabiliser leurs équipes sociales et thérapeutiques. Il nous importait de cimenter ce secteur en le dotant d’une nouvelle législation qui outre le fait de consacrer des moyens budgétaires récurrents et nouveaux, renforce certainement l’attachement des pouvoirs publics à la qualité de travail qu’effectuent ces associations au quotidien. Le travail accompli sur le terrain des violences faites aux femmes par SOS Viol notamment démontre à l’envi, la nécessité d’aider les victimes à se reconstruire, à dépasser le traumatisme qu’elles ont subi. L’intérêt de leur action est double : à la fois une aide et un accompagnement de qualité des victimes mais également un travail soutenu de sensibilisation des acteurs de première ligne.
Cette sensibilisation est indispensable pour que chaque acteur qui côtoie les victimes puisse accueillir et orienter de manière adéquate celles-ci vers les services spécialisés. Les victimes sont désemparées et la prise en charge de celles-ci est dès lors indispensable afin de gérer les conséquences de l’agression mais également d’aider les victimes à entamer les démarches administratives ou judiciaires nécessaires pour faire valoir leurs droits.
En collaboration avec les tribunaux, les services de police et les avocats, les services d’aides aux justiciables et les Espaces rencontres contribuent à soutenir les victimes, à mettre en place les médiations familiales, mais aussi à réinsérer les ex-détenus dans la société. Les services d’aide aux justiciables et les Espaces Rencontres sont actuellement subventionnés par les Régions, à Bruxelles, la Cocof, puisque dès le 1er janvier 2004, les Espaces rencontres ont été transférés à la COCOF sans aucun moyen budgétaire. Les socialistes bruxellois ont dégagé des budgets pour assumer et augmenter le financement de ces services parce que leur rôle est essentiel particulièrement à Bruxelles ou l’arriéré judiciaire est important.
Au-delà des services de première ligne qui accompagnent les victimes, nous avons voulu soutenir le centre de prévention des violences conjugales (anciennement collectif pour femmes battues) qui a mis sur pied un atelier de relaxation et de réparation corporelle permettant aux victimes, tant les enfants que les femmes, de pouvoir sortir de la spirale de la culpabilité. Nous avons souhaité également nous préoccuper des hommes violents. Une permanence destinée aux hommes a vu le jour et est assurée par deux psychothérapeutes. L’objectif est de faire reconnaître par les hommes les mécanismes qui provoquent la violence et bien sur les faire disparaître. Au travers de l’intégration de conduites alternatives, les hommes sont aidés dans la reconstruction de leur vie familiale, sans violence.
Pour ce qui concerne l’hébergement des femmes victimes de violences, avec ou sans enfants, nous avons assuré nos responsabilités en doublant les budgets consacrés aux structures spécialisées qui ne sont toujours pas assez nombreuses aujourd’hui. Lors de leurs séjours, chaque femme bénéficie d’une écoute, d’une aide psycho-sociale et d’un accompagnement qui lui permettra de réfléchir sur son vécu de violences et de prendre conscience des possibilités qu’elle a d’agir sur sa vie et son avenir.
Au-delà des violences intra familiales, j’aimerais aborder la question des violences externes au milieu familial et qui immanquablement retentissent sur la vie en société.
Je pense notamment aux nouveaux phénomènes de violences sexuelles comme ceux des transgressions sexuelles. Les parquets dénoncent l’ampleur de ce phénomène qui alarme également les professionnels de l’enfance et particulièrement les enseignants. Il importe cependant de faire la distinction entre un adolescent qui commet des délits sexuels de manière répétitive et celui qui passe à l’acte sexuellement dans un contexte de curiosité sexuelle, tout en dérapant par un passage à l’acte unique. Dans ces situations » à la limite » de l’abus, il importe de remettre très vite des repères clairs d’âge et de consentement et d’éviter la stigmatisation. Cette problématique doit donc être largement encadrée et entendue par les professionnels de l’enfance et de l’adolescence. Pour éviter la récidive et la banalisation de ces transgressions sexuelles, des actions de prévention multiples, variées, adaptées, positives et éducatrices devront voir le jour afin d’aider ce groupe cible à retrouver une orientation sexuelle mieux adaptée aux normes sociales.
En matière de prévention, d’éducation sexuelle et affective, comme responsable des centres de planning familial à Bruxelles, nous avons dès lors intensifié l’aide, l’accueil et la prise en charge des femmes, des couples et des familles, dotant le secteur de moyens renforcés. Nous avons également développé la prévention dans les écoles, afin de véhiculer des valeurs de respect et de consentement auprès des jeunes générations et ceci sans détour, sans tabou, avec beaucoup de souplesse. Parce que les questions liées à la sexualité et à l’amour relèvent non seulement du champ privé mais appartiennent aussi à la collectivité. L’état en la matière doit prendre ses responsabilités : dispenser une information accessible, précise et préventive afin que chaque personne puisse s’épanouir pleinement dans la société. Chaque génération est solidairement responsable de la suivante, aux pouvoirs publics à garantir que ce passage se fasse dans les meilleurs conditions.
C’est au législateur que revient la difficile tache de ne pas induire de comportements normatifs ; de lutter contre les préjugés et les tabous tout en garantissant une certaine morale sexuelle fondée sur le consentement. La morale sexuelle privilégie la liberté du consentement de chaque individu au détriment des types d’actes sur lesquels porte cette liberté, tout en garantissant une certaine notion des bonnes mœurs. Même si Sartre ironisait en rappelant que la Morale c’est toujours la morale des autres, le législateur a défini les peines et les poursuites en cas d’agressions sexuelles dans le Code Pénal. L’agression sexuelle y est précisée comme l’absence de consentement des individus dans l’acte sexuel. Il a aussi protégé les individus qui ne sont pas en mesure de donner leur consentement considéré comme juridiquement valable. Le législateur a ainsi protégé les mineurs qui ne pouvaient consentir, vu leurs âges, aux actes sexuels. On sait que l’appréciation en la matière est difficile et délicate.
Il importe aussi que les actes sexuels consentis ne nuisent pas à des tiers ou à l’ordre public. Toutes ces lois ont été édictées pour protéger les plus faibles et garantir la liberté des citoyens.
Si l’on constate une intensification voire une banalisation des violences sexuelles, il importe que très vite les pouvoirs publics se saisissent de cette question, sans fausse pudeur et que des actions de sensibilisation voient le jour à destination des plus jeunes afin que certains principes, certaines valeurs soient réaffirmées. Je pense notamment aux droits des femmes et à la pression sociale qu’elles vivent encore dans la rue, dans les cités, dans leurs milieux familiaux. Je m’oppose à une société de terreur qui ne fait place qu’à la loi du plus fort, à ceux qui crient le plus haut ou ceux qui s’imposent par la brutalité. Ce n’est pas un combat suranné que de réaffirmer le nécessaire respect et dignité qui accompagne les relations entre les hommes et les femmes.
Je redoute aussi ceux qui, par moralisation abusive, les nouveaux inquisiteurs des temps modernes jugent certains comportements comme déviants ou irrévérencieux. Je veux me souvenir des luttes féministes qui réclamaient le droit au plaisir, le droit de pouvoir disposer librement de son corps sans s’encombrer de tabous et de préceptes religieux. Il n’appartient à personne de décider ce qui est digne et indigne de la personne humaine. Mais il nous appartient à tous d’inviter les générations futures à adopter des comportements respectueux afin que les hommes et les femmes puissent vivre des relations riches, sans oppression, sans domination, entre adultes consentants.
Nous bénéficions ensemble, hommes et femmes d’Occident, d’une liberté de mœurs qui reste presque partout ailleurs dans le monde, un rêve inaccessible ou un scandale insupportable. Il importe de garantir ce maintien des libertés individuelles. C’est bien l’enjeu d’une société progressiste, concilier le droit de chacun à jouir du plaisir sans contrainte et sans morale.
Je vous remercie, en souhaitant plein succès à votre journée.